Cette race est la plus belle
et la plus policée de celles que nous avons rencontrées au cours de cette
campagne. Elle est plus grande que la nôtre; ils ont le teint bronzé, certains
un peu plus clairs, les autres plus colorés. Leur visage est allongé, leur
chevelure, qu'ils ornent avec le plus grand soin, est longue et noire; leurs
yeux sont noirs et vifs et leur physionomie douce et noble, ressemblant beaucoup
à celle des Antiques. Des autres parties de leur corps, je ne parlerai pas
à Votre Majesté : elles ont toutes les proportions dignes de tout homme bien
fait. Leurs femmes ont la même beauté et la même élégance. Très gracieuses,
elles ont l'extérieur séduisant et l'aspect agréable. Leurs manières et leur
réserve sont, comme chez toutes les femmes, celles qu'inspire la nature humaine.
Elles vont nues, avec une simple peau de cerf brodée, comme les hommes; certaines
portent sur le bras de superbes peaux de lynx. L'ornement de leurs têtes nues
est fait deleurs cheveux noués en tresses des deux côtés de leur poitrine;
mais certaines arrangent autrement leur coiffure, à la façon des dames d'Egypte
et e Syrie; ce sont les femmes d'un certain âge et qui sont mariées. Hommes
et femmes portent des pendants d'oreilles à la manière des Orientaux, notamment
des lamelles de cuivre ciselé, métal auquel ils accordent plus de prix qu'à
l'or. Celui-ci n'est pas estimé en raison de sa couleur, laquelle est tenue
pour vile, le bleu et le rouge étant appréciés plus que tout autre. Les objets
que nous leur donnions et qu'ils appréciaient le plus étaient les grelots,
la verroterie bleue et autres babioles à porter aux oreilles ou autour du
cou. Ils n'avaient au-cun goût pour les tissus de soie et d'or, ou d'autre
sorte, et ne se souciaient pas d'en recevoir; il en était de même des métaux,
comme l'acier et le fer, car plusieurs fois ils ne manifestèrent pas d'admiration
pour les armes que nous leur montrions et n'en demandèrent pas; ils s'intéressaient
seulement à leur fabrication. C'était la même chose pour les miroirs; une
fois qu'ils s'y étaient regardés, ils nous les rendaient en riant. Ils sont
très généreux et donnent tout ce qu'ils ont. Nous nous sommes liés avec eux
d'une grande amitié. La veille de l'entrée de notre navire dans le port, comme
nous étions à l'ancre à une lieue en mer à cause du mauvais temps, ils vinrent
au navire avec un grand nombre de petites barques; ils s'étaient peint et
décoré le visage de couleurs bariolées, en signe d'allégresse, et ils apportaient
des aliments. Ils faisaient des gestes pour indiquer par où nous pourrions
pénétrer dans le port en sécurité et nous accompagnèrent jusqu'à ce que nous
ayions jeté l'ancre.