(La Francesca Suite) Ce jeune homme constata chez ce peuple les particularités suivantes : la couleur noire comme chez les précédents, la peau très brillante, la taille moyenne, le visage plus allongé, les membres plus fins, une vigueur beaucoup moins grande, et plus de vivacité d'esprit. Il ne remarqua rien d'autre. Nous appelâmes cette terre "Annonciation" en souvenir du jour de notre arrivée. Il s'y trouve un isthme large d'un mille et long de 200 dans lequel on apercevait, du navire, la mer orientale entre l'ouest et le nord. Cette mer est sans doute celle qui environne l'extrémité de l'Inde, la Chine et le Cathay. Nous naviguâmes la longueur de cet isthme avec l'espoir tenace de trouver quelque détroit ou un vrai promontoire où s'achèverait cette terre vers le Nord, afin de pouvoir atteindre les rivages bénis du Cathay. Cet isthme fut qualifié Veraziano par son inventeur; toute la terre découverte fut appelée Francesca en l'honneur de notre François. Partis de cet endroit et en suivant toujours la côte qui tend légèrement vers le nord, nous parvînmes, après cinquante lieues, à une autre terre qui semblait beaucoup plus belle et couverte d'immenses forêts. Nous y relâchâmes et, y ayant envoyé XX hommes à deux lieues environ à l'intérieur, nous découvrîmes les habitants qui, de crainte, s'étaient réfugiés dans les bois. Cherchant partout, nous rencontrâmes une très vieille femme et une jeune de XVIII à XX ans qui, effrayées, s'étaient cachées dans l'herbe. La vieille portait deux petites filles sur ses épaules et contre son cou un garçonnet; tous ces enfants devaient avoir environ huit ans. La jeune en avait le même nombre, mais du sexe féminin. Lorsque nous fîmes près d'elles, elles se mirent à crier. La vieille nous fit comprendre par un signe que les hommes s'étaient enfuis dans les bois. Nous lui donnâmes à manger un peu de nos provisions; elle l'accepta très volontiers; la jeune refusa tout et le jeta à terre avec colère. Nous enlevâmes le petit garçon à la vieille pour l'emmener en France, et nous voulions prendre la jeune femme, qui était très belle et de haute taille, mais il fut impossible de l'entraîner jusqu'à la mer, tellement elle hurlait. Comme nous devions traverser un bois et que le bateau était loin, nous décidâmes de la laisser et d'emmener seulement l'enfant.
Girolamo Verrazano 1529 L'isthme
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