( Une quinzaine
de jours, avec les Indiens du "Refuge") Ayant
levé l'ancre, nous fîmes route vers l'Est, en suivant la direction de la côte,
que nous longeâmes sans la perdre de vue un instant, pendant LXXX lieues.
Nous découvrîmes une île de forme rectangulaire, éloignée de dix lieues du
continent, d'une étendue comparable à celle de Rhodes, pleine de collines,
couverte d'arbres, moult peuplée à en juger par les feux que nous voyons s'allumer
tout au long de la côte. Nous la baptisâmes Louise du nom de Votre très illustre
mère, mais le temps nous empêcha d'y débarquer. Nous parvînmes à une autre
terre à XV lieues de cette île; nous y trouvâmes un excellent port; avant
d'y pénétrer, le navire fut environné d'environ XX petites barques pleines
de gens poussant des cris d'étonnement. Ils ne s'approchaient pas à moins
de cinquante pas et s'arrêtaient pour regarder le bâtiment, nos personnes
et notre habillement; puis, tous ensemble, ils poussaient un grand cri, en
signe d'allégresse. Un peu rassurés parce que nous imitions leurs gestes,
ils s'approchèrent suffisamment pour que nous leur jetions quelques sonnailles,
miroirs et autres babioles; ils les prirent, les regardèrent avec un sourire,
n'hésitèrent pas à monter à bord, en confiance. Parmi eux se trouvaient deux
rois, de stature et de formes trop belles pour les décrire. Le premier devait
avoir à peu près XXXX ans, l'autre environ XXIIII. Leur extérieur était le
suivant : sur sa nudité, le plus vieux portait une peau de cerf artistiquement
décorée de broderies variées à la façon de Damas; il avait la tête nue, les
cheveux noués en arrière en nattes, et au cou une large chaîne ornée de nombreuses
pierres de diverses couleurs. Quant au jeune, il était accoutré à peu près
de la même manière.