(L'Arcadie
Suite) La terre en cet endroit est bonne et belle, comme l'autre; pauvre
en forêts, mais remplie d'arbres d'essences variées qui ne sont pas aussi
odoriférants, parce que le pays est plus septentrional et plus froid. nous
y avons vu beaucoup de vignes qui, en croissant, s'enroulent autour des arbres,
comme c'est la coutume en Gaule Cisalpine. Des agriculteurs qui les soigneraient
à la manière appropriée en tireraient sans doute de très bons vins, car, à
plusieurs reprises, nous avons trouvé leur fruit séché agréable et doux, comme
chez nous. Les habitants apprécient ces vignes, car, partout où elles poussent,
ils arrachent les arbustes voisins pour permettre au fruit de mûrir. Nous
trouvâmes aussi des roses des bois, des violettes, des lis et beaucoup d'espèces
d'herbes et fleurs odoriférantes différentes des nôtres. De leurs habitations,
nous ne connaissons rien, parce qu'elles sont à l'intérieur du pays. D'après
divers indices, nous pensons qu'elles sont faites de bois et de végétaux;
il nous semble aussi, d'après certains indices ou apparences, que beaucoup
dorment en plein air sans autre toit que le ciel. Nous ne savons rien d'autre
sur eux. Mais nous pensons que tous les autres habitants de la contrée visitée
vivent de la même manière. Après nos trois jours de mouillage en cet endroit,
à cause de la rareté des havres, nous nous éloignâmes du rivage en décidant
de suivre constamment la côte que nous baptisons Arcadie à cause de la beauté
des arbres, en direction du nord-est, en naviguant de jour seulement, et en
jetant l'ancre la nuit. En Arcadie, nous trouvâmes un homme venu sur le rivage
pour qui nous étions; il se tenait debout, méfiant, et prêt à fuir. Il nous
observait, mais ne voulait pas s'approcher. Il était beau et nu; avec les
cheveux noués, le teint olivâtre. Nous étions environ 20 à terre, et comme
nous l'y invitions, il s'approcha à deux coudées de nous et nous montra un
bâton de bois enflammé, comme pour nous offrir du feu. Alors nous enflammâmes
de la poudre à l'aide d'un silex et la peur le fit trembler tout entier, quand
nous fîmes partir une escopette. Il demeurait comme abasourdi et se mit à
prier et à prêcher comme un frère, montrant du doigt le ciel et désignant
la mer et le navire, il semblait nous bénir, nous autres.